Saint-Jean-de-Luz. C’est l’histoire d’un vigneron cosmopolite qui replante de la vigne sur la corniche d’Urrugne et invente le Dena Dela, un blanc élevé dans l’océan. A voir, et à boire sur la côte basque.
Texte et photos : Dominique MARCHÉ©
A 9 ans son choix est définitif et cela dirigera son cursus d’étude, ingénieur agronome de l’Agro Paris et école d’œnologie de Montpellier.
En 1995, il fait ses premières armes dans le bordelais, mais en 1999, il décide de voir plus loin. Il arrive ainsi en plein centre du Mexique à Casa Madero, dans une Bodega fondée par des Basques en 1498. Il y est pour vinifier, avec un autre winemaker néo-zélandais, 1000 ha et faire en parallèle, des recherches sur une maladie rare et incurable de la vigne, la maladie de Pierce.
Ensuite, début 2001, ce fût le départ pour l’Amérique du sud et l’Argentine à Mendoza chez Chandon Estates (Groupe LVMH) il y est toujours pour vinifier, mais cette fois des vins effervescents en cuve, et pour finir le développement d’un appareil destiné à analyser rapidement le raisin et le vin.
Il finit son périple par la Nouvelle-Zélande puis par des vignobles italiens. Après ces quelques années d’expatriations, il revient en France, avec ce vieux rêve d’enfant de créer son vignoble, mais également avec une idée novatrice et unique en tête. Il décide donc en 2007 de retourner à ses souvenirs d’enfances et s’installe sur la côte à Saint-Jean-de-Luz.
Il décide de replanter des vignes, dans une région qui en a compté près de 150 hectares, jusque dans l’entre-deux-guerres, avant que le cidre ne vienne supplanter le vin blanc des vignobles locaux.
Il choisit de louer 5 hectares de terre pour y implanter ses vignes.
Il trouve l’endroit parfait en 2008, et plante deux hectares de vignes sur le site classé d’Erlaitza, sur la corniche d’Urrugne. Culminant à 110 mètres d’altitude, le vignoble évite ainsi le sel des embruns venus du large, mais il conserve le bénéfice de l’air iodé des vents marins, qui permet de limiter l’apparition des bactéries parasitaires telle que le « mildiou » ou « l’oïdium ». De plus, avec une durée d’ensoleillement exceptionnelle, ce cépage « chardonnay » arrive à maturité trois semaines avant les autres régions, ce qui permet d’éviter les vents violents et les tempêtes d’automne qui sur la corniche détruiraient la totalité des récoltes.
Ensuite le pressurage se fait à la méthode champenoise, dans son chai sur le port de Socoa. Il se trouve dans l’ancienne poudrière du fort, « la maison des blocs » qu’il a réhabilitée en 2011. L’avantage majeur de cette bâtisse du XVIIème, c’est quelle se trouve enterrée sur trois de ses côtés, permettant ainsi d’avoir plus de 80% d’hydrométrie et une température constante quelque soit la saison. Un atout pour le stockage et la qualité recherchée par Emmanuel.
Quant à l’idée géniale annoncée au début de ce récit, la voici: elle mûrissait depuis longtemps mais le brevet lui n’a été déposé qu’en 2007.
C’est un procédé unique au monde: la vinification et l’élevage d’un mélange hydro alcoolique à base de fruits, en l’occurrence des raisins, sous la mer… Son vin blanc « Dena Dela », bénéficie de ce procédé atypique. L’océan va se charger de le transformer, au fond de la baie de Saint-Jean-de-Luz. Au pied de la digue de l’Artha le travail des éléments commence.
Par 15 mètres de profondeur, une série de cuves sont immergées et fixées sur le fond pour une seconde fermentation alcoolique, qui durera entre 4 et 9 mois, le temps que les bienfaits de l’océan fassent leurs effets…
Le milieu sous-marin, offre des conditions idéales, d’obscurité, d’inertie thermique, de variation de pression de 0.5 bars entre marée haute et marée basse et d’agitation naturelle permanente sous l’effet des courants de marées. Ceux-là permettent ainsi d’obtenir, en quelques mois, une prise de mousse et un développement d’arômes uniques.
Mais même si cette ressource énergétique qu’est l’océan, accélère le processus d’autolyse des levures, pour ainsi récupérer des notes aromatiques étonnantes et rares, comme celle de goyave, « ressemblant, à de très vieux vins champenois conservés sur lattes plusieurs décennies » comme le souligne Emmanuel, pour autant, le travail ne s’arrête pas là.
Une fois les cuves remontées du fond de l’océan, vient le jeu d’assemblages où s’exprime toute la créativité du vigneron.
Dès 2007, il se met à la recherche de cépages blancs en surproduction afin de pouvoir les marier parfaitement avec sa production « sous-marine », il trouve sa sélection idéale, dans les régions voisines avec les cépages Colombard et Ugni blanc, ceux-ci entrent dans l’assemblage à 80% et 20%.
La vinification sous l’eau, comme nous l’explique Emmanuel Poirmeur, est un moyen de créer un vin atypique qui ne ressemble à aucun autre. Dena Dela, son premier vin blanc, est constitué à 90 % de vin élevé sur la terre ferme et de 10 % du même vin refermenté sous l’eau. Surprenant et séduisant, celui-ci n’est que fraîcheur et plaisir, finement perlant, il libère des arômes de citron, de goyave, de fleurs blanches et d’agrumes. La bouche est douce puis minérale et au final une agréable et surprenante présence iodée vient vous rappeler que son passage au fond de l’océan y est peut être pour quelque chose….
D’ailleurs les plus grands ne s’y sont pas trompés, vous retrouverez Egiategia et son Dena Dela sur plus de quarante tables étoilées, une reconnaissance pour le travail d’excellence d’Emmanuel.
EGIA TEGIA
Visite du chai et dégustation
Sur rendez-vous
Zone portuaire de Socoa, 5 chemin des blocs
64 500 Ciboure
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