
Cette maison, le Grand Hôtel Bella Tola, perpétue au cœur du Valais, à Saint-Luc, une liaison entre Sierre et Anniviers. Le village à 1.650 m d’altitude est ceint d’une « couronne impériale », de 5 sommets (« les cinq 4000 ») dont le Cervin et la Dent-Blanche. Visibles (rarement en même temps) en amont de Zinal. Le village peut s’enorgueillir d’une Maison bourgeoisiale en mélèze, d’un four banal, d’un lavoir, de moulins et d’alpages.
Par Michèle Lasseur
« Ceci n’est pas un hôtel » ! Quand un fidèle client (flâneur de la vieille pierre et philosophe de surcroît) lui fit cette remarque, Anne-Françoise Buchs, propriétaire du Bella Tola & Saint-Luc fut ravie. La salle à manger s’accommode de sa grandeur en se projetant vers un jardin bruissant et odorant orné d’un érable centenaire. Qui parade aussi devant les fenêtres des chambres. C’est un puzzle de bon goût. On pense à une maison de famille.Le beau confort des salles de bains, les chambres où on peut prendre ses aises, les balcons fleuris au printemps et enneigés pour les petits déjeuners le matin de Noël fonctionnent dans le style « restons simple à la montagne ».La présence d’une nature grandiose réconcilient le ciel et les pics avec des hauteurs qui se méritent au-delà de routes escarpées pour y accéder.
- L’entrée de l’hôtel
- La véranda
- Le salon Vallet
- Le salon de lecture
La directrice et propriétaire est revenue s’établir dans la vallée lorsqu’elle et Claude, son mari, ont racheté l’hôtel. « J’ai beau être anniviarde, ce ne fut pas toujours facile de se faire accepter ». Ravissante hôtesse, femme de tête subtile et pleine d’humour tandis que son mari se veut honnête homme, financier, avec ce qu’il faut d’ironie pour oser prendre les choses au sérieux. Le lieu maintient l’habitude d’une courtoisie aussi parfaite que discrète et le goût d’un confort rarissime. La réception est un petit salon sans comptoir.
« Ici ce n’est pas la poste ou la banque,»
résume Anne-Françoise Buchs.
- Le portier de Bella Tola
- Anne-Françoise Buchs
« Bella Tola » est le nom d’une montagne voisine avec un replat à son sommet. Bella Tola signifie donc « beau replat ». Quant à Saint-Luc, le nom du village, il n’aurait rien à voir avec le saint mais ferait référence à Lucus, « bois» ou « forêt » en latin. Le village accroché au flanc de la vallée est inondé par les premiers rayons de soleil matinaux et le soir, il échappe longtemps à l’obscurité dans laquelle le reste du val sombre. St-Luc fut ravagé par deux incendies en 1845 et en 1858. Un an plus tard, on construisit le premier hôtel à côté de l’église après que Pierre Pont, -paysan de montagne, vigneron, président de commune (maire)- eut constaté que des touristes venaient se reposer au grand air. On le voit encore, c’est une bâtisse blanche avec des volets rouges. Après quelques années difficiles, les affaires commencèrent à marcher et l’hôtel déménagea en 1883 à la lisière du village. On rajoute la 2e aile en 1892 et on demande à un architecte connu de Vevey, Louis Maillard, de l’agrandir. Des balcons finement ouvragés, on avait la vue sur les montagnes, la « couronne ». On installe l’eau courante dans les chambres. Quelques décennies plus tard, on ajoute le chauffage central et un ascenseur. En dépit de toutes ces améliorations, la 5e génération de la famille Pont baissa les bras et se sépara de l’hôtel. Il fut tiré de sa torpeur en 1996 par un jeune couple tout droit sorti de l’Ecole Hôtelière de Lausanne. Anne-Françoise Buchs, anniviarde par sa mère, et son mari Claude ont fait un succès de la belle endormie. On corrigea quelques erreurs comme la véranda en façade et on s’attela à la décoration des 30 chambres avec des mobiliers qui jonglent avec les volumes et des salles de bain au confort superbe. Le jardin semble alimenter la sérénité des jours avec des jardiniers qui entretiennent leurs effets de bouquet et de verdure.
Le label « Hôtel Historique », fut décerné en 2001 par ICOMOS (organisation internationale qui œuvre à la conservation des monuments et des sites historiques). Il est amusant de suivre la visite guidée commentée par Anne-Françoise Buchs tous les jeudis à 18 h. Le salon Vallet a gardé boiseries, parquet d’époque et plafond peint par Raphaël Ritz (le frère de César). Il s’intimise avec la collection privée d’eaux fortes d’Edouard Vallet. Je ne vais pas cacher que j’ai été séduite par les rosaces de stuc qui ornent le plafond du salon 1900 (salle à manger d’époque). C’est le genre de dépaysement qui m’enthousiasme. Je me mets dans « mes » meubles. Ma chambre 304 avec parquet en arole, meubles cirés, lit sculpté donne la sensation d’être chez soi, dans une autre époque. Ici le temps s’est arrêté.
Mon balcon (fleuri) essaie de mettre en cadre la Dent-Blanche et le Cervin.
C’est indéniablement un des plus beaux hôtels historiques de Suisse avec une salle à manger fastueusement simple. Un Eden solide comme la Dent-Blanche et le Cervin. « On finit par se considérer comme privilégiée d’y être acceptée! » résume joliment Anne-Marie, une genèvoise bon chic bon genre qui vient chaque année au automne. Il y a des matinées botaniques au printemps qui se poursuivent au restaurant. « On fait les fleurs dans l’assiette, on les cuisine ainsi que les champignons. Il y a l’escapade papillons… on ne les mange pas ! et les oiseaux ne finissent pas dans l’assiette du client ! » plaisante Mme Buchs. Il y a toute une continuité presque magique pour obtenir une saveur « Bella Tola » et les chefs s’y perfectionnent.
Le restaurant « Véranda Chez Ida » et sa nouvelle devanture inspirée du siècle dernier, son plancher sombre en bois massif, ses murs peints au badigeon jaune soleil en font un hôtel du style « restons simple à la montagne ». Le mobilier en résine tissée couleur chocolat apporte tout en douceur une note contemporaine…On y dîne de tartelette aux noix et oignons glacés, d’osso bucco de cerf aux airelles et de fromages au choix. Allez, ça s’arrose d’un verre de Petite Arvine ou d’Humagne rouge !
Le restaurant-cheminée « Le Tzambron », avec ses murs en pierre, propose des spécialités suisses et valaisannes dont une excellente fondue. La raclette y est servie tous les jeudis (sur réservation). Service après-vente tout sourire puisque le chef fait preuve d’un doigté diabolique et résume en quelques mots sa carte : « passez donc manger un morceau à la maison, vous y trouverez tous les produits de saison ». C’est une sacrée réussite. Quant à la carte des vins, elle permet de constater avec délices que la région recèle de véritables trésors. Comme la Malvoisie, un pinot gris aux arômes de gelée de coing, confiture de mirabelle, miel, fruits confits et arômes de noisette.
- Vue extérieure du spa
- La piscine du spa
LE SPA « L’EAU DES CIMES »
L’espace bien-être de 200m2, « L’Eau des Cimes », accueille une piscine nichée au cœur d’un espace clair et lumineux, un jacuzzi face au feu de cheminée, un sauna, un bain vapeur, une fontaine de glace et des cabines accueillantes. Clairs-obscurs, tapis de galets, murs en pierre de taille, coussins en peaux, trophées de chasse autant d’éléments essentiels pour oxygéner son corps et son âme.
Le rituel d’Anniviers est le soin signature. Il commence par un bain vapeur aux senteurs de pin, se poursuit par un gommage à l’achillée millefeuille (une plante réputée pour ses propriétés cicatrisantes), un enveloppement à la terre glacière de Moiry. Cet argile vient directement du glacier de Moiry (au-dessus de Grimentz). Elle est enrichie aux huiles essentielles du bois d’églantier. Le rituel se termine par un massage relaxant aux pochons de fleurs d’Anniviers (églantiers, roses sauvages, pensées sauvages, anthyllide vulnéraire…). Doigté diabolique, jongleur d’odeurs délicates, vous sortez de ce soin avec une jeunesse plus que prometteuse.
J’ai découvert que l’huile star du spa « Bois du val d’Annivier » était à base de bois d’arole et de sapin blanc pectiné. Un conseil : Remplissez un oreiller de copeaux de bois d’arole, respirez quelques gouttes de cette huile et vous tomberez dans les bras de Morphée.
Rituel d’Anniviers : 3 phases 220 €
gommage corporel, enveloppement à l’agile et massage relaxant au pochon
ESCAPADE AU MAYEN : bain d’air pur et tarte aux prunes
Pourquoi ne pas voir les choses de plus haut en allant se nicher dans un mayen valaisan, histoire d’oublier le temps qui passe et de remonter 60 ans en arrière. Les paysans de la plaine venaient 2 à 3 mois par an faire paître leur bétail en moyenne altitude et récolter le foin pour l’hiver. Les mayens ont peu à peu été transformées en chalets d’alpage confortables équipés d’eau courante, électricité, douche, WC, cheminée et chauffage. C’est un goût du passé rapetissé : 40 m2 sur 2 étages. Pour 2 personnes maximum. On y est comme au secret du luxe, les fenêtres restant petites. On déjeune sur la terrasse comme s’il fallait à tout prix que l’on soit plus ébloui encore. Paniers de victuailles, vins du Valais et tarte aux prunes. Tout le luxe est dans le paysage et la simplicité retrouvée.
Sublime tour d’horizon. Le regard prend son élan vers le cirque alpestre. On le suivrait presque d’un mouvement du corps… pour voler dans l’air pur, transparent.


Photos©Michèle Lasseur et DR