Ville chère au cœur de Franck Sinatra et de Barack Obama, Chicago a tout pour séduire les voyageurs en quête de marques culturelles. Les grands architectes contemporains ont posé leur empreinte sur les berges de la rivière Chicago. L’Art y est pléthorique : opéra, orchestre philharmonique, musées et fondations. De surcroît l’amour du beau y est soutenu par celui de l’argent.
Par Michèle Lasseur
« Chicago, Chicago, I’ll show you around, I love it… » chantait Sinatra. Je visite la capitale du blues pour la première fois, pourtant je crois la connaître tant son image m’est familière. D’un bloc à l’autre, réminiscences de films noirs, architecture de fonte, escaliers de secours, perrons majestueux de S. Greenwood Ave près de Kenwood Park, sirènes hurlantes. Les clichés sont au rendez-vous et c’est tant mieux. Il sera toujours temps d’aller voir les choses d’un peu plus près.Al Capone y régna durant la prohibition de 1919 à 1933. Un temps habitée par Martin Luther King, elle héberge un célèbre citoyen qui enseigna à l’université et y entama sa carrière politique, Barack Obama. Repérez la grande maison victorienne au 5046 Grenwood avenue, c’est chez lui.
Dans un autre genre, Virgil Abloh, créateur de mode discret aux racines ghanéennes, natif de Chicago et proche collaborateur de Kanye West, a ouvert la RSVP Gallery dans Wicker Park, un quartier branché. Un espace éclairé aux néons fluos et qui reflèterait la pop culture d’aujourd’hui. On y trouve sa marque de prêt-à-porter Off-White (lancée en 2013) qui fait rimer streetwear, contre-culture avec des finitions haute couture. Et aussi d’autres marques comme APC, Yeezy (la marque de Kanye West), Undercover… Elle ne me laissera pas d’immortels souvenirs mais l’architecte-designer, promu directeur artistique de la ligne masculine pour Louis Vuitton, serait la prochaine grande star de la mode. Un homme à suivre.
1753 N. Damen Ave,
rsvpgallery.com
CAPITALE DE L’ARCHITECTURE MODERNE
J’emprunte de bonne grâce les passages obligés : une croisière sur la Chicago River pour admirer la skyline, rendre hommage à Frank Lloyd Wright, le plus grand architecte américain, aller courir sur les berges du lac Michigan, véritable mer intérieure, et terminer mon tour à la Robie House et au Millennium Park. Pas vantarde pour dix sous, Chicago est pourtant une ville de superlatifs et d’exception : les nouveaux quartiers de West loop et Wicker Park n’ont rien à envier à Brooklyn, quand le reste de la ville fait la part belle à l’architecture. Petite cousine de New-York certes, mais en plus aérée, plus verte et plus conviviale.
Le grand incendie en octobre 1871 qui dura 3 jours fut peut-être une chance pour Chicago. Il mit à la rue un habitant sur 2 mais on fit table rase du passé. On en profita pour développer une architecture avant-gardiste symbolisé par l’invention du gratte-ciel. Embarquement sur la rivière Chicago qui… ne coule plus dans le bon sens (vers le Lac Michigan) ! Le percement du canal Illinois-Michigan en 1848, qui inversa le sens de la navigation, permit aux bateaux circulant sur les Grands Lacs de rejoindre le Mississippi en passant par Chicago. Une aubaine économique pour la ville qui devint le débouché des Grandes Plaines céréalières !
Du bateau, on saisit les dimensions architecturales de la ville. Je découvre une forêt de verre, d’acier et de béton, des gratte-ciel aux écailles de glace… La Tribune Tower construite en 1925, siège du journal, le Chicago Tribune, un édifice de style néo-gothique orné de gargouilles et d’arcs-boutants. Défilent ensuite le Wrigley Building, la Trump International Hotel and Tower (3 plots empilés qui font une tour), la Civic Opera House, la gare Union Station, Marina City, la Willis Tower.
Craig Kaiser, bénévole et expert en architecture, explique les techniques de construction utilisées pour faire naître une ville qui s’impose comme un musée à ciel ouvert. Ciment, acier, verre, fer forgé…
Le trajet dure 75 mn et les touristes ont tout le temps de s’extasier devant des édifices conçus par Mies van der Rohe, Louis Skidmore et même devant la John Hancock Tower équipée d’une antenne d’observation de 304 m. Une multitude de ponts en acier relient uptown et downtown. Quand ils basculent, le tablier se sépare et ouvre le passage à de grosses embarcations.
Passé les poutrelles métalliques de Wabash Avenue, les tours jumelles de Marina City, signées Bertrand Goldberg, confirment le penchant de Chicago pour l’excentricité : ces tours cylindriques à alvéoles ont été surnommées les « épis de maïs », céréale du Middle West.
First Lady Cruises, 112 W Upper Wacker Dr/ 40€.
MONTER AU CIEL : LA WILLIS TOWER
527 m de haut (avec les antennes), 1 minute pour atteindre la plateforme d’observation au 103e étage. Cette géante perce la skyline avec le lac Michigan en toile de fond. Achevée en 1973, elle est surmontée de 5 tubes de différentes hauteurs qui ressemblent à des cigarettes presque sorties du paquet. Le skydeck abrite quatre corniches en verre (the ledge) suspendues à 412 mètres. On s’élance jusqu’au bord et c’est presque un saut dans le vide. Idéal pour une demande en mariage.
233 S Wacker Dr
Ouvert tous les jours
de 10h à 20h
Accès à l’observatoire $23
Station de metro Quincy
THE ROOKERY, « le nid de corbeaux » (le plus ancien gratte-ciel de Chicago)
Ce bâtiment en briques et granit rouge fut réaménagé en 1905 par Frank Lloyd Wright. Doté d’une charpente métallique, il annonçait déjà de nouvelles techniques de construction. Le visiteur appliqué regardera le patio central couvert d’une verrière (un exercice de style sur le thème du « puits de lumière ») et l’escalier double Oriel qui s’étire du 2e au 12e étage. Le résultat ? un chef d’œuvre sans doute, si on en juge par le poids de l’émotion que cet ouvrage engendre sur le visiteur.
209 S LaSalle St
ROBIE HOUSE
Le touriste curieux se rendra ensuite à la Robie House (volumes horizontaux et toitures débordantes) située près de l’université de Chicago. Elle fut conçue par l’incontournable Frank Lloyd Wright pour s’adapter à tous les désirs de modernité et de confort d’un industriel, Frederick C. Robie. Ce fabricant de bicyclettes et de voitures exigea une demeure qui attire les superlatifs les plus admiratifs par sa surface. Avec en sus un garage pour abriter ses 3 automobiles (rares au début du 20e siècle) et une salle de jeux pour ses enfants
Le style architectural se distingue par des lignes horizontales, des rangées de fenêtres et des plans intérieurs ouverts. Terminée en 1910, la Robie House prônait le lien entre l’architecture et la nature : « dans le Midwest, nous vivons dans la prairie »… d’où le nom « Prairie school », mouvement né à Chicago qui s’inspire des grands espaces et intègre la nature à l’habitat.
5757 S Woodlawn Ave
LE LOOP
le Loop (la Boucle) au centre de la ville est le Downtown de Chicago, rival de Manhattan à New-York. Avec son métro aérien, ses gratte-ciels, ce centre des affaires s’est reconverti aux nouvelles contraintes urbaines. Il se devait d’entretenir en matière d’Art une guerilla intellectuelle avec New-York. La “Cloud Gate” (« Porte des nuages ») dans Millenium Park, imaginée par le sculpteur Anish Kapoor est appelée familièrement par les Chicagoans “le Bean” (« haricot »)… Ce miroir géant, posé sur le sol, réfléchit des distorsions, et suscite des vocations de photographe sur le thème : reflet de la ville, de la skyline et des nuages. C’est le lieu le plus instagrammé de Chicago. Loin devant la Crown Fountain de Jaume Plensa composée de 2 blocs de 15 m de haut sur lesquels des visages crachent un jet d’eau.
En face du Millenium Park, un ancien club de sport réservé aux hommes est devenu l’hôtel Chicago Athletic Association. De la terrasse sur le toit (Cindy’s rooftop) au 13e étage, on domine mieux la situation pour voir le Cloud Gate sous un autre angle en sirotant un cocktail correct.
Le Loop c’est aussi l’occasion de découvrir en flânant des fleurons artistiques comme le « Monument à la bête debout » de Jean Dubuffet près de l’Hôtel de Ville (à l’angle de Clark Street) ou la statue en acier « Unknown » de Picasso sur Daley Plaza. Une œuvre qui suscite nombre d’interrogations : est-ce un oiseau, un chien, une femme… ? Symbolique extrême, le visiteur peut même l’escalader et glisser dessus comme sur un toboggan.
Passé la First United Methodist Church, voici « Miss Chicago » de Joan Miró (12 m de haut) sur Brunswick Plaza et après un crochet à gauche sur Dearborn Street, le « Flamingo » vermillon de Calder (Federal Plaza) donne presque envie de danser. Au moment de reprendre le métro à la station Van Buren, je me frotte les yeux : je vois une station de métro Guimard… offerte par la mairie de Paris.
Chicago Athletic Association
12 South Michigan Avenue, Le Loop
FOODIE
Surnommée « la ville aux épaules larges », Chicago a le goût de la bonne chère. Même si son nom signifie ignifie « oignon sauvage » en langue indienne, elle est fidèle à sa réputation de ville du « beef steak ». Le bœuf maturé est une référence… sa célèbre équipe de basket s’appelle d’ailleurs « Chicago Bulls ». Outre le bœuf, la deep dish pizza remporte tous les suffrages. On fait la queue chez Lou Malnati’s sur State Street : une institution à Chicago aussi importante que Halloween ou la bière budweiser. Elle est épaisse de 5 cm et préparée dans un moule creux. La pate est faite à la main, les tomates viennent de Californie, la mozzarella et le parmesan du même fromager depuis des décennies.
Lou Malnati’s,
1120N State St
Au temps de la Prohibition, le Twin Anchors dans Old Town était un « speakeasy » : on y servait de l’acool (avec un mot de passe) derrière une petite porte dérobée verte, d’où le nom de Green Door Tavern.
On y vient maintenant pour prendre un verre de bière devant un bar en bois tout en longueur qui date de 1900 et déguster les meilleurs ribs de la ville. Franck Sinatra (un habitué) les appréciait tout en passant quelques coups de fil. Son téléphone se trouve toujours dans la banquette qu’il occupait au fond du restaurant.
Twin Anchors Restaurant & Tavern
1655 N Sedgwick
Dans une ancienne imprimerie de West Loop, Emmanuel Nony a ouvert il y a deux ans un restaurant, Proxy. Pause au Bar en attendant des plats d’inspiration japonaise. Au menu : tempura courgettes, zucchini aux pignons de pin, poulet (le meilleur de Chicago) arrosé de Pinot noir. Gwyneth Paltrow adore.
Proxy (près de West Loop)
565 Randolph St
PRATIQUE
PARIS-CHICAGO avec United Airlines. 1 vol quotidien entre Paris CDG et Chicago O’Hare
Et 4 vols quotidiens sans escale vers les Etats-Unis,
à partir de 730 euros TTC en United Economy.
www.united.com
JW Marriott Chicago Cet hôtel historique du centre-ville (sur le Magnificent Mile) propose des chambres bien aménagées, des équipements de luxe et un service exceptionnel. Il bénéficie d’un emplacement privilégié au cœur du Loop. Dans les suites : hauts plafonds, salles de bains en marbre, couettes en duvet, grand bureau et connexion Wi-Fi.
chambres doubles (env. 220 Euros/la nuit).
www.marriott.com › JW Marriott › Chicago
Un City Pass permet d’accéder à 7 attractions majeures sans faire la queue et offre une réduction de prix intéressante. Pour se déplacer, un pass de 3 jours (20 dollars) permet d’emprunter tous les transports en commun.
Rens. : Chicago Visitor Center,
www.choosechicago.com
Promenade culturelle et gastronomique guidée de 3 h dans les quartiers de Bucktown et Wicker Park avec dégustation dans 6 endroits.
www.chicagofoodplanet.com
Photos © Michèle Lasseur et DR
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