

Vous êtes de passage ou séjournez dans la belle ville d’Arles ? Profitez-en pour filer visiter au musée Réattu, l’intéressante exposition consacrée à Alfred Latour, remarquable touche-à-tout en matière d’art, tour à tour graveur de talent, illustrateur de livres réputé, créateur textile de renom au service de grandes maisons lyonnaises, peintre et dessinateur reconnu, mais aussi – et on le sait moins – photographe inspiré par cet art qu’il pratiquait depuis 1920, et dont l’abondante collection n’a été découverte qu’en 2016.




Justement baptisée « Regard sur la forme », l’exposition propose plus d’une centaine de dessins, de photographies et de textiles qui tissent entre eux un dialogue artistique certes muet, mais évident tant le fil qui les relie est présent. On comprend ainsi que l’œil du peintre permet à cet artiste pluriel de poser sur le monde, à travers son objectif, un regard qui lui permet d’en saisir les formes et les lignes et de nourrir ainsi son imaginaire de créateur multi facettes.






Enfin, vous serez surpris par l’esthétique moderniste et le style sobre et raffiné des œuvres exposées : grande linéarité des motifs, ou formes géométriques et abstraites utilisées pour les textiles, jeux d’ombre et de superposition de matières dans les photographies, aplats noir et blanc des dessins précis et épurés qui ramènent sans cesse au point central de l’œuvre d’Alfred Latour : la simplicité et la finesse du trait sans cesse présentes, dans tous les mediums qu’il a utilisés au long de sa vie d’artiste.




Alfred Latour (Paris 1888 – Eygalières1964)
1908 – Entre à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs. La vente de ses premières toiles lui permet de découvrir le Midi : un choc qui l’attachera viscéralement à cette région.
1913 – Premier atelier sur l’Île Saint-Louis à Paris. Il vit de la vente de ses toiles, de la décoration d’objets et de la réalisation de décors de théâtres. Il se met à la gravure sur bois avec talent, Emile Bernard lui confie l’interprétation gravée de certains de ses dessins.
1914-1919 – Envoyé au front et blessé il fait la connaissance de la jeune Madeleine Cosnard, infirmière, qu’il épousera et avec laquelle il aura deux fils, Jacques et Jean. Il rapportera de cette période de nombreux carnets de dessins et croquis (encre, fusain, gouaches), de silhouettes et attitudes de ses camarades, de paysages entrevus et de régions traversées.
1919 – Après la guerre, de retour à Paris il se voue à la gravure sur bois et aux arts graphiques, et gagne une notoriété durable auprès d’amateurs avertis (Otto Kahn, Jules Bache ..) et de grandes institutions (British Museum, V&A Museum, NY Public Library, Bibliothèque Nationale de France). Expose régulièrement au salon d’Automne au Petit-Palais où il est primé à plusieurs reprises.
1925 – Participe à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris et reçoit le grand prix dans la section arts du livre.
1927 – Installé à Montparnasse – rendez-vous des peintres, des musiciens et des écrivains d’alors – il crée la série Traits de plumes, ornements typographiques et graphiques qui deviendront des références, et destinée à la fonderie Deberny et Peignot, dirigée par le fondateur de la revue arts et métiers graphiques, série qui sera publiée la même année. Il signe également les illustrations, ornements et reliures de plus de trente ouvrages, ce qui lui permet de nouer des relations amicales notamment avec Paul Valéry, André Gide ou l’historien d’art Henri Focillon, et qui lui valent plusieurs distinctions et expositions en France et à l’étranger aux côtés notamment de Bonnard, Chagall, Degas, Dufy, Picasso ou Rouault.
1929 – Charles Bianchini, co-fondateur de la maison de soierie Bianchini-Férier à Lyon, repère le travail d’Alfred Latour dans la revue Art et Décoration, et l’invite à concevoir des motifs pour la manufacture. A la suite de Raoul Dufy, Latour imagine des tissus imprimés destinés à l’ameublement et l’habillement.
1932 – Achète une ancienne bergerie à Eygalières dans les Alpilles, et rompt avec la vie parisienne, il abandonne la pratique de la gravure et se lance dans l’aquarelle. Alors qu’il expose à la galerie-librairie La Tortue à Paris, la revue Les Échos d’Art publie un article élogieux : « On n’est pas étonné que son œuvre peint présente la même hardiesse, la même nouveauté d’écriture, la même largeur de composition et le même amour du dessin que son œuvre gravé ».
1933 – Les reliures, les textiles imprimés et les créations typographiques d’Alfred Latour sont présentés à la galerie de la revue Art et Décoration à Paris.
1934 – Engage une longue collaboration avec la maison des Vins Nicolas, des travaux de publicité, des affiches, et le luxueux catalogue de la maison publié par la maison d’édition Draeger, précédemment illustré par Dufy, van Dongen et Buffet.
1935-1936 – Rejoint l’Union des Artistes Modernes au titre d’artiste graphiste, aux côtés de Robert Mallet-Stevens, Le Corbusier, Jean Prouvé, René Herbst, Hélène Henry, Rose Adler, Sonia Delaunay, Charlotte Perriand, Man Ray, et Fernand Léger notamment.
1936 – Est engagé comme correspondant par l’agence de presse Meurisse et effectue plusieurs reportages photographiques : des scènes de rues, des stands forains, des pêcheurs des bords de Seine et d’autres morceaux de vie.
1937 – Dans le cadre de l’Exposition universelle « « Arts et techniques appliqués à la vie moderne », Latour est présent dans les sections « Livres d’art et Illustrations », « Arts graphiques » et « Publicité ».
1940-1945 – Rejoint son fils Jacques dans la Résistance, il y oeuvre activement durant l’occupation (déporté à Dachau, Jacques deviendra conservateur des musées d’Arles à la Libération).
1946 – S’installe définitivement à Eygalières dans une maison perchée sur un piton rocheux avec deux ateliers, l’un de peinture (domaine privé) l’autre de dessin réservé aux travaux graphiques. Il dessine pour son ami Pierre Eynard, éditeur lyonnais et propriétaire de l’abbaye de Fontenay, des tissus imprimés destinés à la haute couture et à la tapisserie murale en tirage limité,
1948 – Maintient de fidèles amitiés et reçoit dans sa retraite provençale l’architecte Le Corbusier, les peintres Marchand et Prassinos, le comédien Gérard Philipe, le poète Pichette …
1950 – Sept motifs (dites les Toiles de Fontenay) inspirés d’éléments historiques de l’abbaye de Fontenay sont édités par Pierre Aynard et imprimés par la manufacture Brunet-Lecomte à Bourgoin-Jallieu, d’après les cartons originaux de l’artiste. Le critique et galeriste Marcel Michaud organise à Lyon l’exposition Décor au Mur, présentant les Toiles de Fontenay. Exposition reprise l’année suivante à Paris par l’imprimeur Brunet-Lecomte.
1951 – Exposition textile internationale de Lille.
1954 – Triennale de Milan. Collabore avec la société Cenpa, à l’édition de dix modèles « Orator » pour papier cadeau.
1956 – Les peintures, tissus, reliures et affiches d’Alfred Latour figurent dans l’exposition « Formes utiles » célébrant les 25 ans du mouvement UAM au salon des arts ménagers.
Frappé de congestion cérébrale, Alfred Latour s’écroule dans son atelier et meurt le 4 mars 1964 à l’âge de 76 ans .
Bon à savoir
Exposition organisée par le musée Réattu du 27 avril au 6 octobre 2024 (10 rue Grand Prieuré – 04 90 49 38 34), en partenariat avec le musée des Tissus et des Arts Décoratifs de Lyon, ainsi que la fondation Alfred Latour de Lausanne.
Visites guidées gratuites les 17 et 24 mai après inscription sur le site : http://www.museereattu.arles.fr/
Dans le cadre des rencontres d’Arles (du 1er juillet au 29 septembre), les forfaits proposés intègrent la visite de l’exposition Alfred Latour.

