Une raison de plus de venir à Lyon en ce mois de décembre qui a déjà vu près de deux millions de visiteurs s’y précipiter pour la Fête des Lumières . Le musée des Beaux-Arts y propose jusqu’au 3 mars une nouvelle exposition passionnante conçue par Sylvie Ramond, l’active directrice du pôle des musées d’art de Lyon, et Alain Schnapp, historien, archéologue, professeur, à partir de son livre « Une histoire universelle des ruines. Des origines aux Lumières », paru il y a 3 ans au Seuil.
Comme dans chaque expo réussie, et celle-ci l’est, c’est l’occasion de découvrir de nombreuses oeuvres, d’habitude rarement ou très discrètement exposées, et mises ici en situation dans ce périple consacré aux formes des ruines. Des découvertes qu’on doit aux choix des deux curateurs qui ont voulu nous faire réfléchir sur notre perception des ruines, depuis les temps antiques jusqu’à nos jours, ces ruines qui font « éprouver la fragilité de la condition humaine et de l’équilibre entre la mémoire et l’oubli ».
Quelques 300 oeuvres ont été choisies pour ce périple dans les représentations des ruines à travers les civilisations organisé selon quatre thèmes: la mémoire et l’oubli avec des objets qui témoignent des tentatives de la plupart des cultures d’établir un rapport avec le passé ; nature et culture où l’on réalise que toutes les constructions humaines sont vouées à la destruction par l’effet du temps qui passe et à un retour à la nature ; matériel/ immatériel qui s’interroge sur la relation entre les ruines et l’imaginaire de celui qui les contemple, et une quatrième thématique sur le présent et le futur où sont présentées les deux oeuvres peut-être les plus fortes, « Voici mon coeur » de l’artiste syrien exilé en France Khaled Dawwa, son village en ruine en Syrie, qu’on regarde la tête pleine des images d’autres ruines de guerre, en Ukraine, à Gaza.
Et tout au bout de l’exposition l’oeuvre hypnotisante d’Eva Jospin, des ruines monumentales de carton, papier et laiton qu’on scrute jusque dans les recoins, comme une forteresse de ruines paradoxalement indestructibles, des ruines éternelles.
Les ruines qui disent l’histoire des hommes, supports de la mémoire du monde, témoins aussi des catastrophes et d’une histoire où création et destruction sont en perpétuelle tension.
Un thème très fort pour une exposition qui nous a aussi étonné en rassemblant des oeuvres qu’on ne s’attendait pas à voir, ce très beau et récent Marc Desgrandchamps, ou le village en ruine de Pierre Bonnard.
Jusqu’au 3 mars 2024.
Anne et Patrick Poirier. Caprarola. 1984. Herculanum. Scène érotique. 45-79 après J-C. François de Nomé. Daniel dans la fosse aux lions. Vers 1593-après 1623. Xie Lei. When East meet West ( Quand l’Est rencontre l’Ouest ). 2015.
Giorgio de Chirico. Due personaggi denominati archeologi. Vers 1927. Salvador Dali. Gradiva retrouve les ruines anthropomorphes (fantaisie rétrospective). Vers 1931-1932. Geoge Grosz. retraite. 1946.
Anne et Patrick Poirier. Il est facile de descendre dans l’Averne. 1986. Anselme Kieffer. The Shape of Ancient Thought. 2002. Khaled Dawwa., artiste syrien réfugié en France. Voici mon coeur. 2018-2022. Zoran Music. Nous ne sommes pas les derniers.
Pierre Bonnard. Village en ruine ( près de Ham ). 1917. Marc Desgrandchamps. Double. 2023.
Petite coupe peinte en argile de culture Halaf.Arpachiyak, site archéologique près de Ninive en Irak. Vers 5000 av.J.C Francisco de Goya. Enterrar y callar ( Enterrer et se taire). 1810-1812. Francisco de Goya. Grande Hazana ! Con muertos ! ( Grand exploit ! Avec des morts ! ). 1810-1812. Henri Moore. Balancing Lintel ( Linteau en équilibre ). Lithographie du portfolio Stonehenge. 1974.
Eva Jospin. Nymphées. 2019. Sylvie Ramond et Alain Schnapp, les curateurs de cette exposition, et l’oeuvre d’Eva Jospin,Nymphées. 2019.
Et une très excitante animation le week-end des 3 et 4 février, des visites guidées avec le Turak Théatre.
3 marionnetistes et une chanteuse de cette compagnie lyonnaise de théatre et de marionnettes se proposent d’accompagner les visiteurs dans une déambulation décalée et poétique. Avec des objets bizarres et bricolés, glanées dans le quotidien, ils raconteront des histoires à dormir debout sur une sélection d’oeuvres choisies aussi bien dans l’exposition » Formes de la ruine » que dans les collections permanentes.