
Une micro région encore peu connue, les pépites que sont Avignon, Arles, Nîmes, Uzès…prenant toute la lumière et laissant encore dans l’ombre Beaucaire la petite capitale de cette petite terre d’Argence, aux confins de la Camargue. Une ville qui fut prestigieuse il y a trois et quatre siècles, Beaucaire, la « belle pierre » la bien nommée avec sa forteresse qui domine le Rhône et tous ses hôtels particuliers des XVII et XVIIIème siècles, ses environs parsemés de merveilles, l’Abbaye troglodyte Saint Roman, le canal du Rhône à Sète, de très beaux domaines viticoles en biodynamie et quelques belles adresses pour un séjour qui peut aussi être gourmand. Belle étape sur le chemin de la Camargue toute proche.

Ce sont les reflets argentés des feuilles des peupliers qui bordent le Rhône qui ont donné son nom, apparu pour la première fois en 825, à cette Terre d’Argence marquée par le cours bas de ce fleuve puissant coutumier des sorties de lit, magnifique de force entre les deux forteresses face à face de Tarascon et de Beaucaire, quelques kilomètres avant d’éclater à Arles dans le delta qui s’épanouit en Camargue. Beaucaire, petite capitale de 16 000 habitants de ce petit territoire entre Costières de Nîmes et Camargue, garde de son passé prestigieux un magnifique patrimoine, un peu méconnu aujourd’hui, des XVII et XVIIIème siècle. On va en Avignon, à Nîmes, à Uzès, en Arles, tout autour à quelques dizaines de kilomètres et on ignore Beaucaire qui a pourtant quelques atouts pour s’inscrire dans ce circuit des belles cités du sud.
L’Hôtel de Ville, fin XVIIème, avec les soleils de part et d’autre des armes royales de Louis XIV. Mascaron de l’Hôtel de Roys de Ledignan, début XVIIIème. L’Hôtel particulier Fermineau Détail de façade de l’Hôlel particulier Clausonnette.
Longtemps soumises aux caprices du Rhône, la ville se protège désormais de ses débordements par de spectaculaires portes insubmersibles à ses entrées qu’on ferme en cas de risque d’inondation et par une digue, « la banquette ». C’est là, au bord du Rhône, sur le « pré », qu’avait lieu la Foire de la Madeleine, 6 jours dont 3 jours francs ( hors taxes) chaque année à partir du 21 juillet. Des centaines de milliers de visiteurs venus de partout aux XVII et XVIIIème siècle, apogée de ce qui était alors la première foire internationale d’Europe. Foire née du transport fluvial et tuée par l’avènement du chemin de fer. Un passé qu’on imagine mal aujourd’hui dans cette ville très endormie au centre ville sinistré parsemé de vitrines de magasins fermés mais où l’on voit plus que des traces de cette gloire d’hier, une accumulation incroyable de nobles bâtisses à l’architecture classique, « grand siècle » et XVIIIème presque provocantes dans cette misère ambiante. On apprendra avec effarement que la plupart font office aujourd’hui de logement sociaux, seul moyen trouvé dans l’absence de moyens, pour limiter leur dégradation.
Il y a beaucoup à voir, des façades, des portails, des statues, des cariatides, des mascarons… une foultitude de détails d’architecture magnifiques, mais rien à visiter. Aucun n’est ouvert au public, restauré à l’intérieur, meublé… comme on l’aurait aimé. Misère du patrimoine.
Mêmes la collégiale Notre Dame des Pommiers, ouverte seulement le jeudi, et l’église Saint Paul visible moyennant l’accompagnement d’une guide chargée de clefs relèvent d’un certain parcours du combattant touristique.
On regretterait néanmoins de ne pas avoir vu Beaucaire.
Mascaron de l’Hôtel Clausonnette
La chapelle Saint Louis dans l’enceinte de la forteresse.
L’église Saint Paul avec son ciurieux vitrail en étoile de David La collégiale Notre-dame des Pommiers
La Collégiale Notre Dame des Pommiers bâtie au XVIIIème siècle par les architectes Jean Baptiste Franque et Guillaume Rollin. Beaucaire sur la rive droite du Rhône face à Tarascon, rive gauche.

La maison gothique du XVème siècle… …abrite aujourd’hui la Maison du tourisme et du patrimoine. L’Hôtel Dulong, début XVIème , mais aussi XIV et XV ème et XVIIème siècle. L’Hôtel de Clausonnette construit au VIIème siècle.
Le Drac de Beaucaire qui comme chaque du bord du Rhône a son monstre mythique issu du fleuve auquel on attribuait les disparitions de personnes, principalement les lavandières.
Unique en Europe, l’abbaye de Saint-Roman
L’Abbaye troglodyte de Saint Roman sur le massif de l’Aiguille, datée du VIIIème siècle.. Saint Roman fut aussi une nécropole pour les moines et pour les villageois. Plus de 200 tombes creusées dans la roche ont été mises à jour.
Saisissant Monument Historique unique en Europe l’abbaye troglodyte de Saint-Roman creusée dans un rocher calcaire du massif de l’Aiguille dans la campagne de Beaucaire reste une énigme quant à son origine. Des ermites se seraient installés là dans les premiers siècles de notre ère et ce serait devenu une abbaye bénédictine vers le VIIIème siècle… les moines auraient alors commencé à transformer les cavités naturelles en cellules et salles communes et à créer une chapelle. Passée en 1102 sous la tutelle de l’abbaye de Psalmody, près d’Aigues-Mortes, Saint-Roman connaît une apogée monastique jusqu’à son abandon en 1538, sans qu’on sache pourquoi. Le site est racheté, fortifié, un petit château y est construit qui finit par être démantelé au milieu du XIXème siècle pour devenir une carrière de pierres. La colline devient un jardin avant qu’on ne s’avise d’y lancer des fouilles archéologiques après une inscription d’abord à l’inventaire supplémentaires des Monuments Historiques en 1935, puis enfin de classer ces vestiges devenus la propriété de la ville de Beaucaire Monument Historique en 1991.
Belle promenade sur un chemin empierré en pente douce à travers la forêt pour y accéder et découvrir là-haut une vue à 360° de la basse vallée Rhône, des Alpilles et de la Camargue. Très décoiffant quand le mistral souffle. On y découvre aussi une sidérante nécropole, des tombes alignées creusées dans la roche, tombes des moines certainement comme c’est le cas dans tous les monastères, mais également tombes des villageois, plus de 200 ont été mises à jour, en haut et sur les pentes de la colline, dont des tombes d’enfants.

De beaux domaines viticoles en biodynamie
Arrêt obligatoire au Mas des Tourelles. Grand mas de plaine du XVIIème siècle, il est surtout remarquable par l’importance des vestiges gallo-romains mis à jour dans ses vignes, une villa et des ateliers de fabrication d’amphores pour le vin et l’huile d’olive. Riche patrimoine qui a conduit ces vignerons à reconstituer une cave gallo-romaine unique au monde avec son spectaculaire pressoir à levier en bois doté d’une poutre massive.
Une cave vivante, utilisée à chaque vendange, fin septembre, pour presser le raisin et commencer l’élevage du vin romain qui sera vinifié et enrichi de miel ou d’épices selon les recettes trouvées dans les textes romains de Pline l’ancien et de Columelle.

Fouilles gallo-romaines au mas des Tourelles où cette grande villa a été découverte au milieu des vignes.





Le Domaine Mourgues du Grès
Accueil 5 étoiles dans ce magnifique domaine proche de Beaucaire en piémont des Costières de Nîmes. François et Anne Collard ont mis leurs 65 ha de vignes en biodynamie et élèvent 12 cuvées, 3 en blancs, 3 en rosés et 6 en rouges. Il y a aussi des arbres fruitiers et des oliviers. Superbe balade dans les vignes balisées de haltes avec panneaux d’informations et dégustation au pied de robustes ceps de grenache centenaires taillés à hauteur d’homme.
C’était un ancien domaine agricole des Ursulines de Beaucaire au XVIème siècle, d’où le nom « Mourgues« , religieuses en provençal. « du Grès« , ce sont les galets du Rhône qui affleurent dans les vignes, des galets dorés qui plongent jusqu’à 6 m dans le sol aux côtés de poches d’argile, la grande caractéristique de ce terroir des Costières de Nîmes.
Les vignes du Château Mourgues du Grès. Ici des ceps de grenache de plus de cent ans en piémont des costières de Nîmes. Les Grès, autrement dit les galets du Rhône typiques de l’appellation « Costière de Nîmes ».
Anne Collard lors d’une dégustation dans les vignes. Le cadran solaire trône dans la cour de ce domaine en biodynamie. Superbe panier de pique-nique utilisé pour les dégustations dans les vignes, oeuvre de « LA » vannière de Beaucaire.
Le pique-nique du vigneron proposé après le tour des vignes dans la cour du domaine est une nouvelle occasion de dégustations de vins et de produits faits maisons comme ce pain d’aubergines et ce clafoutis aux cerises dont nous gardons un souvenir ému. L’occasion aussi d’une conversation plus prolongée avec François Collard, le vigneron qui avait regagné l’exploitation familiale en 1990 seulement pour en en faire ce domaine en biodynamie qui produisit ses premières bouteilles 3 ans plus tard. Aujourd’hui quelques 350 000 bouteilles sortent chaque année de ce Château Mourgues du Grès.
Parmi les blancs, j’ai bien aimé la cuvée Terre d’Argence en IGP Pont du Gard, assez rond et gras, 40% de viognier et autant de petit manseng, le reste en roussane et grenache blanc. Joli vin pas très cher. Et coup de coeur pour l’Equinoxe 2015, 40% de grenache, 40% de syrah, 20% de carignan, un magnifique rouge très soyeux. La plus chère des 12 cuvées du domaine.
A découvrir aussi le cartagene, un apéritif à base de mout de raisin sans fermentation auquel on ajoute de l’alcool. 16° à l’arrivée. Une tradition du Languedoc. Très agréable, au soleil avec un chapeau de paille.
Mise-à-jour de ruines gallo-romaines dans les vignes. Le pique-nique du vigneron proposé aux visiteurs-dégustateurs. Quelques uns des 12 crus du domaine qui produit sur 65 ha en biodynamie 350 000 bouteilles chaque année.
Un cépage historique au domaine Terre de Chardons
C’est en 1999 que Jérôme Chardon a repris les trente hectares de l’exploitation familiale, une terre de soleil, de pierres et de vent consacrée au maraîchage et à l’arboriculture sur la commune de Bellegarde. Féru de vins et ayant constaté que ceux qu’ils aiment sont tous issus de vignobles cultivés en biodynamie, il décide de planter 9 ha de vignes en biodynamie. Et plus, d’être l’un des 5 vignerons producteurs de la Clairette de Bellegarde, un cépage blanc un peu mythique présent encore sur seulement 10 ha. Mythique car probablement déjà cultivé à l’époque romaine. Au Moyen-Age, elle est cultivée par les moines sur les terres les plus arides pour faire le vin de messe. En 1471-72 elle apparaît au menu de la table de Louis XI sous le nom de Picquardents en blanc sec et de Cleratz en blanc doux. AOP depuis 1949, c’est, je dirais, une curiosité. Belle couleur, très minérale et rafraîchissante. Rien à voir avec la pétillante Clairette de Die qui est d’ailleurs faite avec du muscat.
Un Mas en Provence cultive l’essentiel
On reste encore un moment à Bellegarde, là où on peut aussi embarquer pour naviguer sur le canal du Rhône à Sète, pour s’intéresser à un Mas en Provence, un lieu unique où un jeune fils de famille d’agriculteurs a décidé de se lancer dans une aventure un peu osée. Dans ces terres de vignes et d’arbres fruitiers, il a choisi de se lancer dans la culture biologique des plantes aromatiques et dans leur transformation en huiles essentielles et en parfums certifiés bio.
Gaël Briez est un guide passionné et passionnant pour les visites de ce mas provençal jadis propriété du Duché d’Uzès. 4 ha sont consacrés à ses chères plantes, des rangs de lavandin et de lavande, couleur bleu lavande, puis des rangs d’immortelles aux fleurs jaunes, à côté les rangs de mélisse, on dirait de la menthe, vert assez foncé, et des rangs de verveine citronnée, vert plus tendre. Il y a aussi du thym et depuis peu, de la sauge. Pour voir. Gaël procède par essais, sélectionne celles qui s’adaptent bien à cette terre, ce climat, ce vent.
Gaël Briez, le propriétaire d’un Mas en Provence, dans ses plantations de plantes aromatiques, un plant de verveine citronnée dans les mains pour une explication passionnée de ces bienfaits lors d’une visite-conférence du domaine.
Melisse Récolte de la verveine Verveine citronnée Lavande Immortelle
La visite guidée nous fait découvrir les machines ( de fabrication françaises) avec lesquelles les plantes sont mises en terre, délicate opération de coordination entre le chauffeur du tracteur et l’opérateur assis sur la machine derrière que Gaël transforme en drôlatique scène de théatre enrôlant tour à tour des visiteurs conquis.
Puis distillerie et alambic sont montrés et tout est expliqué avec force conviction quant à l’extraction de ces huiles essentielles aux effets puissants. J’ai pour ma part craqué pour l’immortelle ayant quelques cicatrices post-opératoires à effacer. On dira une autre fois si c’est aussi efficace que Gaël le dit.
Belle boutique pour se laisser tenter et programme très détaillé pour les visites, les ateliers de distillation et même des apéros tapas après la visite guidée.
A table
Une belle adresse à Bellegarde sur le port du canal, la Halte Nautique où le Chef Jean-Jacques Coclet sélectionne comme personne ses produits et les vins qu’il propose. Cochon de Bigorre, boeuf de Galice, truffe du Périgord font un fond de carte des plus gouteux sans oublier un rare et exceptionnel soufflé au chocolat en dessert. Le choix du vin est un grand moment tant le Chef a de l’éloquence pour parler de sa sélection et des vignerons qu’il visite régulièrement.
Bellegarde, le port sur le canal du Rhône à Sète La croix camargaise Le restaurant la Halte Nautique Jean-Jacques Coclet, Chef de la Halte Nautique Cochon de Bigorre, girolles et légumes Le soufflé au chocolat
A Beaucaire sur la place de la République dite « la place vieille » on pourra déjeuner sans façon à l’ombre des platanes centenaires à L’Epicerie qui propose une simple carte du jour selon les arrivages du marché. Une cuisine comme à la maison en un peu plus créatif sans vouloir offenser personne, comme ce saumon aux épices accompagné d’un velouté de choux fleur et d’un risotto servi lors de notre visite.
Autre adresse à recommander à Beaucaire pour un excellent dîner, l’auberge l’Amandin où l’on a pu découvrir grâce au Chef Damien de la pluma de cochon grillé, un rare morceau de l’épaule, très savoureuse avec des rappels de noisette.
Plat du jour à L’Epicerie La « place vieille » à Beaucaire

Vallabrègues, ancien royaume des vanniers
Le village, proche de Beaucaire, a changé plusieurs fois de rive du Rhône selon les caprices du fleuve enclin à changer de lit. On y a longtemps cultivé l’osier et Vallabrègues comptait plus de 250 vanniers au XIX ème siècle. la tradition de la vannerie y reste très présente avec notamment un sympathique musée de la vannerie et un Festival européen de la vannerie qui y a lieu chaque année en août à l’occasion duquel tout le village est décoré de paniers en osier suspendus dans les rues.
On s’y rend aujourd’hui pour rendre visite à l’unique et dernier vannier présent à Vallabrègues, Daniel Benibghi, dans sa boutique-atelier où il sait rendre sa passion contagieuse, sortant des archives, expliquant son art, montrant le dessin original de Christian Lacroix, l’ex grand couturier arlésien, pour la réalisation en osier du monstre tarasconais du Rhône, la Tarasque, rebaptisée Dragosier par le couturier.
Unique et dernier vannier de Vallabrègues, Daniel Beribghi. Le dessin de Christian Lacrois pour la Tarasque-Dragosier
Découverte à Vallabrègues, cette jolie maison d’hôtes où Carine et Benoît vous reçoivent fort aimablement. Deux chambres seulement dans un bâtiment Renaissance plein de recoins et de terrasses. La Villages, avec un S car c’est le nom d’une ancienne famille propriétaire les de la Villages d’Adalbert.
Sites internet
@terredargencetourisme
@gardtourisme
@abbayedesaintroman
https://www.provence-camargue-tourisme.com/beaucaire
Des restaurants
@lepicerierestaurant
www. auberge-lamandin.com
Des domaines viticoles
@mourguesdugres
@masdestourelles
@terre_des_chardons
Huiles essentielles
@un.mas.en.provence.parfums
www.mas-provence.fr
Une chambre d’hôtes
vallabregues-la-villages.com
Remerciements: Anne Fustier, grande organisatrice de nos visites, Alicia ma guide à Beaucaire, passionnée de course camarguaise, mais il faut peut-être être camarguais pour cela, Cédric Durand, fin connaisseur de l’abbaye de Saint-Roman.