Identifiée à juste titre comme une destination balnéaire, la Costa Daurada ne saurait se résumer à ses plages de sable fin. L’arrière-pays recèle en effet de véritables pépites comme le monastère cistercien de Poblet, la chartreuse d’Escaladei ou encore la cité médiévale de Montblanc. Tarragone, sa capitale, n’est pas en reste : plus modeste que sa rivale Barcelone, elle a su préserver son âme et un riche patrimoine datant de l’Antiquité! Dans un autre registre, le Massif de Montsant regorge d’itinéraires de randonnée qui d’ermitages en bodegas ont su nous séduire. Enfin si vous avez la chance d’assister à une manifestation de Castells, ces tours humaines de tradition catalane, vous serez gagnés par l’émotion qui s’empare de tous lorsque ces fragiles constructions s’érigent au son strident des gaias.
Textes et Photos : Jean-Luc GUERIN
Atterrissage à Barcelone, puis transit via le lumineux et gigantesque Terminal 1 à la mesure du flot touristique que draine la capitale de la Catalogne. Une heure de route en direction du Sud-Est et nous voilà dans la région de Conca de Barbera à une quarantaine de kilomètres au nord de Tarragone. Première halte dans la cité médiévale de Montblanc dont les remparts du XIVème siècle flanqués de 30 tours carrées ne manquent pas de style! Premier contact aussi avec la cuisine catalane : L’Escalivada! Des sonorités qui chantent, un succulent mélange d’aubergines et de poivrons cuisinés à la braise par le fier et disert propriétaire de l’hôtel restaurant Fonda cal Blasi ! Un soleil radieux accompagne notre progression vers l’église Santa Maria la Major.Une construction massive du XIVème siècle restée inachevée pour cause de peste noire et de crise économique. L’entrée se fait latéralement par le portail de la façade baroque qui au XVIIIème siècle a remplacé la façade gothique. Sur le parvis, une belle mosaïque de galets blancs et noirs dessine d’énigmatiques motifs. Le ton est donné, et quelques heures seulement après avoir quitté la grisaille parisienne, je me sens déjà catalan dans l’âme!
Monastères, Chartreuse et Vignobles
A une dizaine de kilomètres à l’Ouest de Montblanc, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le monastère cistercien de Poblet a été fondé en 1150 par une poignée de moines venus de l’abbaye de Fontfroide dans l’Aude. Parfaitement restauré, c’est de nos jours le plus grand monastère cistercien à être encore habité par des religieux.
Ici, calme et recueillement sont les maîtres mots.
Hors des murs, la façade baroque de l’Abbatiale tranche singulièrement avec la Porte Royale et l’austère muraille qui protège le monastère. A l’intérieur, le cloître majeur construit entre le XIIème et le XIVème siècle répond aux critères de sobriété de l’ordre de Saint Benoit. En son centre, une fontaine abritée sous un pavillon entouré de jardins évoque le Paradis. Elle symbolise également la vie d’unité et de communion à laquelle les moines aspirent. A l’étage, impressionnant par ses dimensions hors du commun, le dortoir du XIIIème siècle se métamorphose de temps à autre en salle de concert. Dans les environs se trouvent 2 autres monastères cisterciens : Vallbona de les Monges, à une vingtaine de kilomètres au nord de Poblet, qui abrite une communauté de nones. Santes Creus, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Poblet, mais aujourd’hui déserté. A noter pour les amateurs de randonnées que ces 3 monastères sont reliés par le GR 17.
Non loin du petit village de la Morera de Montsant, à l’aplomb de la Serra Major, la Chartreuse d’Escaladei a été fondée à la fin du XIIème siècle par des moines venus de Provence. Scala Dei ou Echelle de Dieu, car elle fut construite à l’endroit même où un jeune berger avait rêvé d’un ange escaladant une échelle pour rejoindre les cieux. Ce fut le premier prieuré de l’ordre de Saint Bruno à s’implanter sur la Péninsule ibérique. Sept siècles plus tard, en 1835, l’état confisqua par décret tous les biens de l’église devenue trop puissante : les moines furent alors expulsés et la Chartreuse pillée puis abandonnée.
Depuis 1992, sous l’égide du gouvernement de Catalogne, sa restauration progressive a été entreprise mais demeure loin d’être achevée. La reconstitution à l’identique d’une « cellule » monastique permet de se projeter dans le quotidien austère des « Pères Chartreux » qui à l’inverse des moines cisterciens vivaient à l’isolement, se consacrant exclusivement à la prière, la lecture et la méditation ! Seuls les offices quotidiens et le repas dominical partagé au réfectoire permettaient de se croiser voire d’échanger quelques mots. Un choix de vie radical qui laisse songeur et donne à réfléchir! Bénédiction divine ou simple hasard, la Chartreuse d’Escaladei se trouve au cœur des vignobles de Priorat. Une A.O.C. de réputation internationale dont le nom ne doit rien au hasard puisque dérivé de « Prieuré »! Des conditions optimales car ici la vigne bénéficie durant tout l’été d’un ensoleillement généreux et d’une brise thermique pour la rafraichir!
Résultat, un vin puissant et subtil, que les Catalans surnomment le « Vin noir » en raison de sa robe sombre.
Une bodega à distinguer autant pour les qualités de son vin que pour l’accueil chaleureux de ses vignerons : le Celler de Joan Ametller et ses 20 hectares de vignes en terrasses, parfaitement alignées au pied des falaises de la Serra Major. Une belle adresse où s’élèvent d’excellents vins de garde comme ce millésime 2005 particulièrement réussi!
Randonnées dans le massif du Montsant
« Montagne de la bénédiction » pour les Maures, « Montagne Sainte » pour les Chrétiens, depuis toujours la Serra de Montsant est teintée de religieux. Un relief accidenté et tortueux, des coins reculés difficiles d’accès, le choix idéal pour se retirer du monde et l’on comprend bien pourquoi au fil des temps elle a attiré nombre d’ermites. De leur passage, subsistent 9 chapelles-ermitages et autant d’itinéraires de randonnée à décliner sur ce thème.
Au départ de l’ermitage de Sant Antoni d’Ulldemolins, une large piste rejoint en pente douce le Riu Montsant qui serpente au fond du canyon de Fraguereau. Le spectacle est grandiose : un conglomérat de roches modelant des falaises abruptes en une composition abstraite d’ocre et de gris ! Par endroits quelques formes suggestives surgissent comme ce majestueux Bouddha ou cette tête d’éléphant plus discrète.
La légende rapporte que Gaudi, le célèbre Architecte catalan, aurait trouvé dans ce canyon source d’inspiration! Après une bonne heure de marche, il faut traverser le rio sur une passerelle suspendue, puis emprunter le fameux GR 65 qui relie Tarragone à Saint-Jacques de Compostelle. 1/2 heure de montée en pente douce et l’on parvient à l’ermitage Sant Bartomeu : blottis dans une anfractuosité de la falaise, les restes d’un abri sommaire et juste à côté une chapelle qui sous ce grand soleil évoque un petit coin de paradis et la douceur de vivre! Difficile dans ces conditions d’imaginer le quotidien rugueux de Francesco Paulo confronté aux privations, à la solitude et aux rigueurs de l’hiver…
Autre randonnée, plus sportive celle-ci : une boucle de 5 heures avec un dénivelé de 400 mètres qui depuis le petit village de la Morera de Montsant permet de rejoindre le plateau aride et dénudé de la Serra Major. En suivant les marques blanches et rouges du GR 171 en direction de la Roca Falconera via le Grau de l’Agnet pour les moins téméraires. En passant par le Grau dels Barrots et le Balcon del Priorat pour accéder à de spectaculaires points de vue! Le parcours est sécurisé dans ses passages les plus délicats par des barres métalliques et des câbles fixés dans la roche auxquels l’on s’agrippe sans se faire prier. Impératif cependant d’avoir de bonnes chaussures et de ne pas être sujet au vertige pour profiter pleinement de cet itinéraire aérien!
A signaler enfin une randonnée bucolique, celle qui en contre bas fait le tour du village médiéval de Siruana. En empruntant l’ancien sentier muletier, on peut ainsi descendre au fond de la vallée et rejoindre le lac de retenue du barrage de Siurana puis remonter par l’autre versant! Minuscule, perché à l’extrémité d’un éperon rocheux, Siurana n’en mérite pas moins une halte : quelques ruelles, une église romane du XIIème siècle, les vestiges d’un château arabe et une légende tragique : celle de la Reine maure Abdelazia, qui préféra se jeter dans le vide avec son cheval plutôt que d’être capturée par les Chrétiens!
Ne pas manquer d’aller grignoter quelques tapas au refuge Ciriac-Bonet : suspendue entre ciel et terre, sa terrasse de bois agrippée au rocher offre sur 180° une vue très spectaculaire! De notre expérience, l’offre hôtelière dans le Massif de Montsant n’a rien d’extraordinaire : des chambres d’hôtes confortables et bien tenues. Quelques hôtels d’un standing oscillant entre 2 à 3 étoiles qui proposent le gîte et le couvert, le meilleur moyen de découvrir l’authentique cuisine locale. Nous avons apprécié les copieux petits déjeuners catalans à base de charcuterie et de Pa amb tomaquet (pain grillé frotté de tomate et d’ail en option, arrosé d’huile d’olive). Nous nous sommes régalés de spécialités maison : Escalivada, Estouffat, Paella ou encore la Farigola cette soupe du pauvre composée d’un bouillon de thym avec un peu d’œuf et quelques croutons de pain… Sans oublier l’inévitable Crème catalane, en réalité une simple Crème brulée, ou le Mel y Mato ce délicieux fromage frais recouvert de miel! Aussi improbable qu’inattendue, il existe en lisière de Cornudella de Montsant, une excellente table : le restaurant Quatre Molins tenu par le chef Jordi Servalls Bonilla.Affable et bourlingueur, disciple de Ferran Adria qui lui a inculqué les bases de la cuisine moléculaire, Jordi a notamment officié au Marina Hôtel de Dubaï puis au T8 de Shangaï, l’un des 5 meilleurs restaurants de Chine !
Tarragone, de la Rome antique aux Castells catalans
Devenue un grand port industriel, Tarragone ne livre pas ses charmes au premier regard. Surtout lorsque pour la rejoindre il vous faut traverser sa banlieue. Fondée en 218 av. J.-C., elle est alors le premier comptoir romain de la péninsule ibérique et se dénomme Tarraco. Puis rapidement elle se métamorphose en cité administrative et marchande de premier plan.
De conséquents vestiges de cette époque subsistent : l’Amphithéâtre, le Cirque, le Forum, quelques fortifications ou encore cette Tour imposante devenue Palais Royal au Moyen-âge. A l’intérieur du modeste périmètre que dessine l’ancienne muraille romaine, la vieille ville est un quartier populaire et vivant, encore préservé du tourisme et de la spéculation. Enserrée dans un maillage de ruelles, la Cathédrale de Santa Maria semble à l’étroit et l’absence de recul ne permet malheureusement pas d’en percevoir la globalité. Du fait d’une construction étalée du XIIème au XIVème siècle, styles Roman et Gothique se côtoient dans une étonnante diversité de teintes ocres et crèmes. Lors des festivités annuelles de septembre, c’est sur le parvis de la cathédrale que s’érigent les Castells, ces pyramides humaines devenues l’une des fiertés de Tarragone! De l’autre côté des fortifications, la ville nouvelle n’est pas d’un grand intérêt mais recèle néanmoins quelques bonnes adresses : le Moll de Pescadors et ses nombreux restaurants de poissons! Le Balco del Mediterrani d’où l’on peut observer les ruines de l’Amphithéâtre et les plages de Tarragone! Ou encore la Rambla Nova, une élégante avenue où se succèdent terrasses de cafés et de restaurants. Ici, ni bateleurs ni camelots, juste un endroit paisible et authentique à l’image de cette ville!
Si l’origine exacte des Castells se perd dans la nuit des temps, une certitude demeure, les Castells ont pris leur essor au XIXème siècle dans un triangle délimité par les villes de Valls, Tarragone et Vilafranca del Penedès et sont aujourd’hui l’un des piliers de l’identité catalane.
Tous les 2 ans, Tarragone organise un grand « Concurs de Castells » qui se joue à guichets fermés dans les arènes de la ville devant plus de 10 000 spectateurs. Un évènement majeur auquel nous avons été conviés pour notre plus grand plaisir! Et puisque les Castells catalans ont fait des émules, cette année Hangzhou, Londres, Copenhague et Paris étaient invités à concourir… Chaque équipe, composée de plusieurs centaines de Castellers, est reconnaissable à la couleur de sa chemise et participe ainsi à la construction du joyeux camembert multicolore qui occupe le centre de l’arène. Difficile de résumer en quelques lignes les règles du jeu mais pour faire simple précisons qu’un Castell peut compter jusqu’à 10 niveaux et se compose de 3 parties : la Pinya, le Tronc et le Pom de Dalt. La Pinya est un amalgame compact de Castellers qui forme le socle de l’édifice.Le Tronc, de hauteur et de configuration variable, se compose des Castellers les plus agiles dont la taille et le poids diminuent en toute logique avec les étages. Enfin le Pom de dalt, la coiffe de l’édifice, est l’œuvre de 2 bambins casse-cou, agiles comme des singes et rapides comme l’éclair. La clef de la réussite d’un Castell c’est en effet la vitesse d’exécution car le temps de résistance des étages inférieurs est compté… Pour ce faire, le Capitaine de la Colla lance des ordres secs d’une voix ferme tandis que le Toc de Castells, cette mélodie lancinante et grinçante, rythme le mouvement. Le public quant à lui retient son souffle, guettant la Letta, cet instant libérateur ou une main tendue vers le ciel viendra signer le succès et déclencher une ovation générale! Spectaculaires et poignants les Castells ne laissent pas indifférents. Réunissant dans un même élan des Castellers de tous âges et de toutes conditions, ils dépassent largement le champ du simple folklore pour rejoindre celui de la passion. L’une des multiples facettes de la Costa Daurada.
Voir des Castells en Catalogne
De juin à octobre, des Castells se produisent régulièrement en place publique le dimanche matin dans de nombreuses villes de Catalogne.
En été, des Castells se produisent tous les mercredis vers 18H, Plaza Cols à Tarragone.
Il est également possible d’assister aux répétitions des Collas de Castells. Pour plus d’informations sur ce sujet et pour connaitre les lieux et dates des Castells à venir, consulter le site www.cccc.cat.
Hébergement autour de Tarragone
S’il n’est pas difficile de se loger à Tarragone, en revanche il n’existe pas d’hôtels de luxe et de charme dans la ville même. Le premier Parador se trouve à Tortosa, 80 kms au Sud-Ouest de Tarragone.
A défaut de nous y rendre nous avons identifié quelques adresses qui ne devraient pas décevoir :
Hôtel Mas la Boella
A 3kms de l’aéroport de Reus et 8kms du centre de Tarragone, une luxueuse maison de campagne avec piscine dans un parc de 110 hectares.
Hôtel Mas Mariassa
En pleine nature, à 1/2H de voiture au Sud-Ouest de Tarragone, un Hôtel de charme avec piscine, spa et restaurant gastronomique.
Trossos del Priorat
Une cave viticole proposant 7 chambres élégantes et épurées avec terrasse et vue sur les vignobles.
Situé en bordure du Parc Naturel de la Sierra de Montsant à 30kms de Reus et à 40kms de Tarragone.
Mirador de Siurana
A une dizaine de minutes de marche de Siruana, cet hôtel confortable avec piscine bénéficie d’une vue exceptionnelle.
Pour organiser une randonnée en Catalogne
Le site officiel de la Fédération Catalane de Randonnée :
Le site de la FEEC, la Federacio d’Entitats Excursionistes de Catalunya :
La Balaguère, spécialiste de la randonnée dans les Pyrénées et dans le Monde :
Vueling, transporteur aérien low cost du groupe IAG, au départ de Paris Orly :
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