PROVENCE / Un lieu exceptionnel d’art contemporain

La découverte de cet endroit magique qu’est la Fondation Bernar Venet au Muy, sur la N7 quand elle s’approche de Saint Tropez, se mérite. Il a fallu réserver une visite par e-mail, attendre anxieusement une réponse quelques jours et recevoir son sésame comme un privilège. Un processus un tantinet élitiste voulu pour ne recevoir que des visiteurs très motivés. Mon conseil: soyez motivés!

Considéré aujourd’hui comme un l’un des « grands » de l’art contemporain, catégorie minimaliste et conceptuel bien qu’il fasse plutôt dans le démesuré, quoique le mot prête à confusion, car ses oeuvres , des grands Arcs d’acier Corten, des angles  » Acute Unequal Angles », ou encore des « Diagonal », sont en réalité d’une absolue précision de mesure mathématique, Bernar Venet, niçois d’origine, longtemps ne fut pas prophète dans son pays. D’abord ignoré de la critique et des amateurs d’art, il s’était installé aux Etats-Unis en 1966, à l’invitation de son ami le sculpteur Arman qui l’hébergea dans son atelier de New-York. Après avoir beaucoup travaillé avec le goudron pour des dessins et des sculptures, totalement inspiré par les mathématiques et les sciences pures, il s’oriente sur la ligne sous toutes ses variantes, mathématiques et physiques, et réalise ses premières « lignes indéterminées » en acier Corten au début des années 80, des sculptures monumentales destinées à perturber l’espace urbain. Nice, Paris à la Défense, Berlin, Tokyo, Strasbourg, Pékin, Austin, San Francisco… se laissent séduire, puis le Château de Versailles en 2011. Après Murakami, Bernar Venet est le deuxième artiste invité à cette confrontation de l’art contemporain avec le classicisme royal du XVIIème siècle. Ses arcs d’acier oxydé entourant la statue de Louis XIV sur la place d’Armes devant l’entrée du Château font sensation  et suscitent quelques pétitions outragées de Versaillais « tradis ». Ni « versaillais », ni « tradi », j’avais adoré. Comme d’ailleurs beaucoup d’autres amateurs qui se sont précipité à Versailles, hissant Bernar Venet au rang de star de la sculpture.

Du coup,  à l’annonce de l’ouverture de sa Fondation au Muy il y a deux ans, je m’en étais fait un des  » 100 lieux à voir absolument en France ». La propriété  est magnifique,  4 ha de verdure traversée par une rivière, la Nartuby, dans un style très romantique d’ombres  d’arbres penchés sur les rives, de tumulte des chutes qui la parsèment et de débordements ravageurs comme cette crue qui avait emporté le premier pont créé par Bernar Venet. Désireux de revenir dans ses territoires d’origine et inspiré par son ami l’artiste minimaliste américain Donald Judd qui avait créé à Marfa au Texas son lieu idéal pour présenter ses « objets spécifiques », dénaturés et détériorés selon lui par les galeries, les musées et même les collectionneurs, Bernar Venet voulait trouver l’écrin sur mesures pour des oeuvres monumentales, les siennes et celles de ses amis. Et c’est en 1989 qu’il achète ce domaine aux Serres dans la commune du Muy, une ancienne usine où se fabriquait le « Paulvé switching regulator », un dispositif de commutation des systèmes de contrôle utilisé par les chemins de fer dans les aiguillages pour s’assurer que le rail a basculé au bon endroit. Le rail, le fer, l’acier… l’âme du lieu désormais dédié aux monumentales sculptures d’acier de son illustre propriétaire.

Ce n’est pas de l’art si ça ne change pas l’histoire de l’art. Bernar Venet

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Lieu d’accueil aussi pour des artistes amis comme Frank Stella dont Bernar Venet voulait exposer les grands reliefs composites trop grands pour trouver leur place dans l’usine rénovée en galerie d’exposition, ou dans la nouvelle galerie de 700 m2 en acier inox-miroir ajoutée en 2008 et confiée au cabinet d’architectes Berthier + Llamate. Après qu’un projet de l’architecte Rudy Riccioti, auteur entre autre du Mucem à Marseille et du stade Jean Bouin à Paris, grand maître de la résille de béton, ait été jugé inadapté au lieu, c’est Frank Stella, un peu architecte lui aussi, qui a conçu cette désormais célèbre chapelle profane où sont accrochées ses six grands reliefs.

Et la nouvelle galerie accueille, outre des tableaux « mathématiques » de Bernar Venet et une installation de néons de François Morellet, des oeuvres de James Turrel, un plasticien de la lumière. C’est l’exposition du moment. Il y a aussi quelque part dans le parc un Skyspaces appelé  » Elliptic-Ecliptic » par Turrel, un bâtiment chromé dans lequel on s’installe pour observer le ciel  » sans pollution visuelle » à travers une ouverture ovale.

Cheminer d’oeuvre en oeuvre, celles de Venet, celle d’Arman, demain d’autres encore, de Judd, Richard Long, Carl André, Sol LeWitt, Richard Serra… les artistes de la collection, dans cet endroit superbe au milieu duquel coule une rivière est un moment très privilégié.

Bernar Venet et sa femme Diane habitent vraiment ici. Et c’est comme si on entrait un peu dans l’intimité d’un grand artiste. D’ailleurs n’était-ce pas lui, assis derrière une table de travail devant une bibliothèque immense dans cette pièce de l’usine ouverte à l’air extérieur mais pas aux visiteurs ? Un fragile équilibre à préserver entre privé et public. D’où cette procédure internet. Il faut demander le droit de visite et attendre le retour. C’est gratuit mais elles ne se font que par groupes limités à une quinzaine de personnes et conduits par une médiatrice.

Site Internet
Fondation Venet Carte

Et pour réserver une visite, uniquement par mail:

info@venetfoundation.org

Fondation Venet
365 chemin du Moulin des Serres
83490 Le Muy